13 Avril 2025 - 28 Juin 2025
A l'aube du crépuscule / At the dawn of twilight

À l'aube du crépuscule
Exposition-essai
À nos latitudes tempérées, commence chaque soir un processus qui voit la lumière du soleil diminuer, changer de couleur puis disparaître. La lumière du ciel, écho de celle qui vient de s'éteindre, continue encore à diminuer pendant parfois presque une heure : c'est le crépuscule. La lune, si elle est présente, continue d'illuminer la nuit aux côtés des étoiles.
Avec l'aube et le lever solaire, c'est à ce moment de la journée que l'intensité et la couleur de la lumière varient le plus. C'est aussi celui où nous perdons progressivement la vue. Mais pour la flore et pour d'innombrables espèces animales nocturnes, c'est le commencement d'une journée d'activité au sein de la nuit.
Même sans lune, le ciel nocturne est lumineux : il est bleu, jaune, orange, rose comme celui du jour – avec des étoiles en plus. Nous ne sommes pas capables de le voir, mais les insectes, oui. La lumière et les couleurs qu'ils perçoivent ne sont pas les mêmes que nous et malheureusement, l'éclairage artificiel que nous utilisons la nuit peut altérer leurs capacités visuelles.
_
Dans le contexte du projet de recherche et de résidence intitulé S+T+ARTS in the City, organisé par Gluon à Bruxelles en 2024, je me suis engagé dans une étude de la vision d'un insecte nocturne connu pour sa sensibilité exceptionnelle à la lumière et à la couleur par temps nocturne : le Grand sphinx de la vigne (Deilephila elpenor). Même sous la lumière ténue de la seule voie lactée, avec seulement quelques milliers de photons arrivant par seconde sur sa rétine, Deilephila perçoit les couleurs de son environnement. Ce papillon-sphinx est par conséquent un modèle pertinent pour examiner la lumière et les couleurs de la nuit ainsi que le problème de la pollution lumineuse.
L'effet de la lumière artificielle – et notamment des LED qui ont remplacé de plus anciennes technologies d'éclairage – est encore trop peu étudié et connu. Pourtant on peut démontrer qu'aux yeux de Deilephila, cet éclairage modifie, ou dans le pire des cas fait disparaître, la couleur de nombreuses fleurs.
_
J'ai rassemblé dans cette exposition le fruit de mes recherches depuis un an. Il s'agit tout d'abord de se projeter visuellement dans l'environnement lumineux et chromatique de l'insecte. Des peintures et des sculptures lumineuses explorent ainsi la variation spatio-temporelle de la lumière naturelle. Ensuite, les formes et les couleurs perçues par l'insecte font l'objet d'études spéculatives sur papier, qui sont elles-mêmes mises en parallèle avec des œuvres plus anciennes. Peut-on « peindre » la vision animale ? Et l'art peut-il contribuer avec ses propres outils à la recherche scientifique ? Un volume lumineux propose une première base pour imaginer une source de lumière artificielle urbaine « biophile », plus respectueuse de la vie nocturne. Enfin, une expérience-installation où des plantes croissent à la lumière d'un clavier spectral, vise à nous faire prendre conscience qu'au-delà de l'apparence des plantes et des fleurs que nous percevons d'habitude, existent des réalités visuelles parallèles à la nôtre.