10 Mars - 27 Avril 2017

Flat flatness almost flat really flat

-


"Flat, flatness almost flat really flat"


 


Après avoir inauguré la galerie en présentant une sélection de travaux sur le stand d'Art on Paper en septembre dernier, Pep Vidal présente cette fois une exposition personnelle dans l'espace ixellois de LMNO.


Pep Vidal a la particularité d'être à la fois un artiste et un scientifique : il a mené des études en mathématiques à un haut niveau à l'université de Barcelone. Ce bagage scientifique nourrit sa pratique artistique d'une façon étonnante.


La présente exposition ironiquement intitulée « Flat, Flatness almost Flat, Really Flat », prend précisément pour sujet l'idée supposée acquise de planéité. Qu'est-ce qui est réellement plat dans l'univers? Selon la science, ce n'est qu'à travers l'atome de silicium que cette planéité parfaite peut être envisagée. Cette interrogation mi sérieuse (elle concerne par exemple des applications dans le domaine de l'optique), mi absurde (la quête de la planéité semblant être on ne peut dérisoire) nous guide tout droit vers l'esprit de son travail qui conjugue la précision de l'art conceptuel et de l'hyperréalisme avec un humour surréaliste. Nous ne sommes pas très loin de l'esthétique animant les romans d'Enrique Vila-Matas, autre facétieux barcelonais, où souvent le personnage s'impose (à moins qu'on ne lui impose) une logique à suivre jusqu'à l'absurde.


Parmi les oeuvres réalisées par Pep Vidal pour cette exposition, on trouve précisément un des dessins où apparaît un personnage: "Imagine the flattest thing in the world" De toute petite taille, ce personnage est mis en relation avec des suites répétitives de motifs. Ces dessins semblent proposer une dérive amusée du schéma scientifique tel qu'on le trouve dans les manuels universitaires. En même temps, c'est un véritable dessin cosmogonique : une carte comme en dessinaient autrefois les astrologues ou les navigateurs pour esquisser une représentation de l'univers et de la place que l'homme y était susceptible d'occuper.


La sculpture titrée « Penultimate step (True love forever) » ajoute au propos humoristique de l'exposition en accentuant ce double portrait de l'homme à travers la science/la science à travers l'homme que Pep Vidal réalise. Il s'agit de deux cylindres qui ont été polis dans un laboratoire américain afin d'obtenir des surfaces parfaitement planes. Or, du fait d'un phénomène physique nommé « superficial tension », il se trouve que les deux volumes mis face à face deviennent inséparables. On voit bien ici la caustique allusion que l'artiste formule lorsqu'il considère ce phénomène scientifique sous l'angle de l'expérience bien humaine du « couple amoureux ». Une manière de revisiter le fameux Baiser de Brancusi en somme.


« A stone cut in slice » est réalisée sur base d'un processus de production comparable : partant d'une pierre déraisonnablement irrégulière (ainsi que la nature semble toujours rétive à notre inclinaison si humaine à l'orthogonalité), l'artiste la tranche en quinze parts de deux centimètres d'épaisseur, comme pour rétablir la juste planéité à laquelle cette innocente pierre aurait droit. Cette oeuvre semble méditer sur cette habitude scientifique de bien longue mémoire qui consistait à toujours ramener la nature sur la dimension plane de la carte dessinée ou imprimée. Un réflexe finalement illogique qui ramenait toujours la volumétrie au plan.


 


On retrouvera encore au générique de cette exposition d'autres faits scientifiques observés sous toutes les coutures, non sans divertissement. Il sera question dans la vidéo « 5 snakes » d'illusions optiques quant à notre perception de la rugosité ou au contraire de l'aspect lisse de la surface plane. Et puis, en invité d'honneur, nous trouverons aussi Eratosthène qui fut un savant grec célèbre pour avoir mesurer le premier la courbure de la terre. Tout cela qui nous fait comprendre à quel point la planéité envisagée par Pep Vidal ne manque pas de relief !