Lieux empruntés

La prochaine exposition "Lieux Empruntés" ouvre un dialogue entre les pratiques de François Génot (1981, Fr) et d’Elise Guillaume (1996, Be). Tous deux sont liés par une démarche expérimentale et située dans laquelle le vivant est à la fois sujet, co-auteur, et matière de la création. Dans l’expérience directe des milieux qu’ils étudient, Elise Guillaume et François Génot développent un art exigeant et cohérent, en accord avec les préoccupations qu'ils portent. À l'heure où notre perception de la nature, en tant qu'entité externe et exploitable, a progressivement éteint notre sensibilité aux subtilités du vivant, les deux artistes œuvrent à restaurer cette attention en accordant toute la place aux espaces en marge, malmenés, ignorés.

Sur l’un des deux murs principaux de l’espace se déploie un ensemble de 24 fagots de fusains réalisés à partir des essences de plantes arbustives indigènes et spontanées de la vallée du Rhône et leur monochrome associés. Ce projet, Rhône Carbone, fruit d’une résidence réalisée cette année à la Ferme Asile de Sion dans le Valais Suisse traduit dans une forme nouvelle, un processus en cours chez François Génot depuis déjà des années. En réalisant ses fusains à partir des végétaux qu’il souhaite représenter, l’artiste entretient une collaboration active avec les milieux qu’il expérimente. “Il s’agit souvent de friches, de haies, de « tiers paysages », de zones intermédiaires qui subissent les allers et retours de nos aménagements anthropiques. En transformant ces fragments de paysages voués à disparaître en un outil artistique, je charge les dessins de la mémoire carbone des lieux.”
Le choix des essences collectées dans la vallée n'est pas dû au hasard. Au contraire, chaque essence met à jour une problématique territoriale spécifique au regard du rapport que nous entretenons avec les vivants et les milieux. La constitution d’une “bibliothèque carbone” comme archive des fusains et de leur double valeur d’outils et de témoins, offre une nouvelle manière d’envisager le dessin monochrome. La surface de carbone pur, vibrant au rythme des aspérités du papier, traduit de manière concrète la singularité, la présence des essences de chaque outil. 

Lui faisant directement face, la série de photographies argentiques Bodies of Water par Elise Guillaume est née d’une résidence en Arctique réalisée également cette année. Ici aussi, l’outil est expérimental et intègre le vivant au cœur du médium traditionnel de la photographie. Le développement des tirages est réalisé à l’aide d’algues ramassées sur place. Figuratives et précisément situées, ces œuvres installent pourtant, des jeux d’échelle entre l’apparent calme et l’immensité du territoire arctique et, le corps, mouvant, vivant et sensible.
Non loin l'œuvre vidéo Eventual Horizon affirme ces enjeux. Dans une visée symbiotique, transformations physiques et état psychiques s’y mêlent, entre larges étendues de glace, flots tumultueux, et deuil comme élément constitutif de l’espoir.  En réservant une attention élevée et égale au traitement de l’image et du son, créé à partir d’une série d’enregistrements sur le terrain à l’aide d’hydrophone et de géophone, Eventual Horizon résonne de manière viscérale chez le spectateur. Ce dernier est alors poussé à faire face à ces flux d’émotions et d'énergie parfois contradictoires. Entre puissance et fragilité, résilience et épuisement, les enjeux climatiques entrent dans la sphère de l’intime. 

Vivant et travaillant dans le Grand Est de la France, François Génot est actif sur la scène internationale depuis 2005.  Il a collaboré avec des institutions renommées telles que la Fondation François Schneider de Wattwiller, le CIAP - Île de Vassivière, ou Les Laboratoires d’Aubervilliers. Ces dernières années, son travail a intégré les collections du Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg et du FRAC Alsace. En 2023, François a collaboré avec la Konschthal Esch au Luxembourg, intégré la Résidence internationale à la Ferme-Asile de Sion et la résidence Engramme de Québec et a participé à plusieurs exposition personnelles et collectives entres autres, à Engramme à Québec, à l’association Fertile à Paris, à la Galerie LMNO à Bruxelles et au FRAC Alsace de Sélestat dont il co-signe le commissariat de l'exposition Sur les bords du monde - férales, fières & farouches. 

Le travail d’Elise Guillaume, basée à Bruxelles, fait actuellement l’objet de l’exposition personnelle Émotions Terranaissantes à l’Espace Croisé de Roubaix jusqu’en décembre. Elle est régulièrement exposée en Belgique comme à l’étranger dans les lieux ou structures comme Gasworks (2023, UK), KIKK Festival (2021, BE), CICA Museum (2021, KR), Ars Electronica (2021, AT), Instants Vidéo Numériques et Poétiques (2022, FR), Imagine Science Film Festival (2022, USA), ou le Centre Wallonie Bruxelles / Paris (2022-23, FR). Sélectionnée pour de nombreux prix comme le Aesthetica Art Prize (2022 finaliste) ou le Arte Laguna Art Prize (2022 finaliste et lauréate du prix Art Nova), l’artiste diplômée du Royal College of Art (MA Contemporary Art Practice) de Londres a bénéficié d’une bourse de recherche et de développement du Arts Council England en 2022.